juillet 18, 2012 0

A propos de géométrie fractale

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Benoît Mandelbrot – le père des fractales

La stature est imposante, le propos passionné, la voix claire. Des accents mêlés reflètent à la fois l’origine polonaise et la double nationalité franco-américaine de Benoît Mandelbrot. C’était en 2000 lors d’une conférence à l’université de tous les savoirs. L’architecture de temples indiens, le plan de villages africains, les détails de tableaux de Gustave Doré, de Kupka ou de dessins de Victor Hugo avaient introduit son intervention consacrée à «L’anneau fractal de l’art à l’art à travers la géométrie, les finances, les sciences».

Après avoir débuté sa carrière en France à l’université, Benoît Mandelbrot, polytechnicien, entre au centre de recherches d’IBM aux Etats-Unis. Alors qu’il reporte sur un diagramme les signaux de lignes téléphoniques parasitées par des bruits, il constate que, quelque soit l’échelle, le schéma est identique. L’auto-similarité alors observée lui rappelle celle des «OMNI» – Objets Mathématiques Non Identifiés, sortes de «monstruosités» que sont les figures de Cantor et de Von Koch. Le modèle du flocon de Koch sera décisif pour le calcul de la longueur de la côte terrestre, exemple le plus connu de géométrie fractale. Plus l’unité utilisée est petite, plus la longueur est élevée, la longueur variant selon la précision de la mesure. Mandelbrot mesure ainsi ce qu’il nomme la rugosité. En 1975, l’ensemble de Mandelbrot est crée, s’inscrivant dans la continuité de la théorie de Gaston Julia.

Retour en arrière

«Il y a des objets dont on ne peut rien car on n’a pas de langage pour les exprimer. Shakespeare a su décrire des émotions qui n’étaient alors décrites par personne avant.» La théorie de Mandelbrot a permis de comprendre ce qui échappait jusqu’alors à la géométrie euclidienne : celle des lignes, des cercles, des formes géométriques parfaites, de certains motifs architecturaux construits par l’homme et des mouvements des planètes. Mandelbrot a ouvert une voie pour comprendre les irrégularités de la nature d’apparence chaotique comme l’étude des phénomènes météorologiques, les nuages, les crues. Une géométrie est, depuis, dédiée au désordre apparent. Dans la Grande Vague de Kanagawa du peintre japonais Hokusai, on peut voir de multiples vaguelettes. Le processus est itératif à l’infini, « le tout ressemble à la partie ». C’est sur ce modèle que Loren Carpenter, après un passage comme ingénieur chez l’avionneur Boeing, créera les premières séquences de cinéma en images de synthèse dans Star Trek.

Tirer parti des fractales

Flocon de Koch, auto-similarité. Derrière les concepts fondamentaux de la théorie fractale, Nathan Cohen développe en 1990 un moyen de réduire le coût et la taille des antennes de télécommunications. Alors jeune radioastronome originaire de Boston, c’est en donnant à un fil de fer la forme d’un flocon de Koch et en le fixant au câble d’un émetteur récepteur que Nathan Cohen fait une antenne bien plus petite que celles couramment utilisées. Il découvre en outre que ces structures fractales, tout en permettant de réduire la taille de l’antenne, captent un spectre beaucoup plus large. Bluetooth, wifi, l’antenne fractale a depuis trouvé des applications dans de nombreux outils de communication. Plus récemment, à l’université de l’Oregon, des travaux sur l’observation de la trajectoire des points fixés par l’oeil fait apparaître très clairement la dimension fractale. Si la science est capable de comprendre les mécanismes de perception visuelle, la conception des objets du quotidien pourrait s’en trouver modifiée.

Des sciences à la musique 

Cité de la musique. Odile Auboin, alto ; Alain Billard, clarinette basse ; Samuel Favre, percussion et Éric-Maria Couturier, violoncelle, quatre musiciens de l’Ensemble Intercontemporain participaient en 2009 au spectacle Glossopoeia créé par Alberto Posadas et basé sur le modèle de Lindenmayer. Ce système a été mis au point en 1968 par le biologiste Aristid Lindenmayer pour rendre compte de la croissance des végétaux. «Il permet de générer des structures complexes par substitution de certaines parties au moyen de règles de réécriture.» Alberto Posadas, élève de Francesco Guerrero, est familier de ce type de réflexions, ayant exploré très tôt de nouvelles formes musicales grâce à l’utilisation de modèles abstraits. Dans une oeuvre antérieure Oscuro abismo de llanto y de ternura (2005), il s’agissait de créer une structure qui soit un reflet de la structure interne d’un son, en référence au modèle fractal. Ainsi musique, santé, changements climatiques, marchés financiers, la théorie fractale touche tous les domaines jusqu’à servir  de source d’inspiration pour la haute joaillerie. En 2009, le designer australien Marc Newson, passionné depuis des années par l’univers des fractales, décide de dessiner un collier dédié à cette passion. La maison Boucheron le baptisera Julia, en hommage au scientifique et reflet de la fusion d’un savoir-faire joailler et des mathématiques.

sources : utls – 366 conférences sur le savoir – L’anneau fractal de l’art à l’art à travers la géométrie, les finances, les sciences ; arte – fractales à la recherche de la dimension cachée

 

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